« Si tu ne peux voir les valeurs de l’Islam chez tes coreligionnaires, alors observe-les chez les autres. Car Dieu ne se limite pas aux musulmans. »
Nous sommes en 2022, durant la Coupe du Monde de football organisée au Qatar. Une vidéo prise sur le fait nous montre un supporter qatari ébahi par les comportements des spectateurs japonais. Ces derniers, après avoir encouragé avec ferveur les joueurs de leur équipe, sont filmés en train de nettoyer méticuleusement les lieux où ils se sont assis, avant de quitter le stade.
Le spectateur qatari n’en revient pas.
« Non, mon ami, l’important n’est pas que tu montres ton étonnement ou ton admiration, mais que tu te mettes à leur école, et que tu imites leur exemple ».
Dieu dit dans le Saint Coran :
« Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance les uns des autres. En vérité, le plus noble d’entre vous auprès de Dieu, est celui qui vous dépasse en piété.»
إ َا أَيُّهَا النَّاسُ إِنَّا خَلَقْنَاكُم مِّن ذَكَرٍ وَأُنثَى وَجَعَلْنَاكُمْ شُعُوباً وَقَبَائِلَ لِتَعَارَفُوا إِنَّ أَكْرَمَكُمْ عِندَ اللَّهِ أَتْقَاكُمْ
Que signifie ce verset ? On pourrait le paraphraser comme suit : « J’ai mis dans les peuples des secrets, Mes valeurs, celles qui mènent à moi, alors connaissez ces peuples en connaissant les valeurs que J’ai mis en eux, peut être ferez-vous vôtres ces valeurs, en y ajoutant ce que mon Prophète (ﷺ) vous a apporté (« Je n’ai été suscité que pour parfaire l’excellence des comportements », dit le hadīth), c’est à dire le lien avec Moi, alors vous pourrez espérer devenir خير امة اخرجت للناس, « La meilleure des communauté suscitée aux hommes ».
Prendre des autres ce qu’ils ont de meilleur et y ajouter le parfum du Prophète (ﷺ). Et la porte de Dieu s’ouvre…
Pour comprendre cette vérité, il faut se tourner vers la nature et y décrypter les signes de Dieu, ces signes qui nous permettent de comprendre ce que nous vivons :
« Nous continuerons à leur montrer Nos signes, aussi bien dans l’Univers qu’en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’ils reconnaissent que ce Coran est bien la Vérité. Ne suffit-il donc pas que ton Seigneur soit Témoin de toute chose ? (Qor’ān, 41, 53) »
سَنُرِيهِمْ آيَاتِنَا فِي الْآفَاقِ وَفِي أَنفُسِهِمْ حَتَّى يَتَبَيَّنَ لَهُمْ أَنَّهُ الْحَقُّ أَوَلَمْ يَكْفِ بِرَبِّكَ أَنَّهُ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ شَهِيدٌ
Comprenons ainsi, dans la nature, ce que fait l’abeille. Elle butine, c’est-à-dire, passe rapidement de fleur en fleur et collecte sur chaque fleur – surtout les plantes mellifères à une seule rangée de pétales, diverses, aux couleurs bleues, vertes et violettes, qui fleurissent à des époques différentes – ce qu’elle a de meilleur: le pollen. Elle est capable à elle seule de butiner le pollen de 250 fleurs par heure, et de stocker sur une seule patte 500 000 grains de pollen. L’abeille va ensuite répandre ce qu’elle a collecté autour d’elle, afin que la nature en profite. Elle est connue de ce point de vue pour être le meilleur pollinisateur.
Le croyant véritable doit être ainsi, semblable à l’abeille : prendre ce qu’il y a de meilleur chez les peuples qu’il rencontre, et le diffuser, l’irradier autour de lui. L’abeille est attirée par des plantes en particulier, par des parfums et par des couleurs vives. Le croyant doit être attirée par les valeurs nobles des autres, et non par leurs contre-valeurs.
C’est ce qu’exprime le Saint soufi du 15ème siècle Sîdi Abd-er-Rahman el-Mejdûb (mort à Meknès en 1569), à travers cette sagesse profonde :
الخلقُ نوار وأنا رعيت فيهم
… هم الحجب الأكبر والمدخل فيهم
« Les créatures sont des fleurs, et moi j’ai butiné dans l’étendue de leur innocence, ils sont le voile suprême en même temps qu’ils sont la porte d’accès ».
Il a pris d’elles, ce qu’elles ont de meilleur. En faisant ainsi, une porte d’accès vers Dieu s’ouvre devant lui. En ne faisant pas ainsi, en s’arrêtant à leurs imperfections, à leurs contre-valeurs, il est voilé. La porte d’accès est verrouillée.
Pareil pour l’abeille. Si elle s’arrête aux plantes qui la font fuir, aux parfums répulsifs (par exemple l’odeur de la citronnelle ou de la menthe, qui la repousse), elle ne peut s’élancer dans les airs, voler et polliniser ses alentours.
Le croyant qui vise à l’excellence doit comprendre cela avant les autres. Le compagnonnage des hommes vertueux est censé lui avoir ouvert l’œil du cœur, et lui avoir fait entrevoir que la rencontre des autres, est l’occasion d’apprendre d’eux. Il ne s’agit pas de s’exclamer uniquement : « C’est magnifique ! », puis de passer son chemin. Mais il faut avant tout comprendre comment les valeurs se déploient chez l’autre, comment il les met en œuvre, selon quelles modalités, et puis ensuite quel impact ont ces valeurs sur son entourage, sa société, le développement de celle-ci et son rayonnement, et ainsi de suite.
En comprenant cela, le musulman devient réellement un croyant et un muhsin, un cheminant sur la Voie de l’Excellence.
Le véritable muhsin (la véritable muhsina), l’Homme ou la Femme de vertu et d’excellence qu’on appelait il y a fort longtemps le ou la “soufi(e)”, pourra alors irradier ces valeurs, dans sa propre communauté et même au-delà.
Professeur Rachid HAMIMAZ.